Sources: Le Devoir
Un référendum sectoriel pourrait servir la cause de la souveraineté
Jacques Parizeau juge que la tenue d'un référendum sectoriel, une formule dont on a commencé à débattre au Parti québécois, peut être très utile au mouvement souverainiste en engendrant une crise politique qui conduirait à l'indépendance du Québec.
Dans un discours qu'il a prononcé samedi au colloque des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO), Jacques Parizeau a relevé que le débat sur les référendums sectoriels battait son plein au sein du PQ. «Les référendums sectoriels, dans certaines circonstances, ça peut être très utile», a affirmé l'ancien premier ministre devant cet auditoire avec lequel il était manifestement très à l'aise. Jacques Parizeau a confié qu'un de ses conseillers à l'époque lui disait: «Pour faire la souveraineté, il faut une crise.» «C'est bien embêtant, a poursuivi M. Parizeau. Il y a des crises qui apparaissent de temps à autre, mais ce n'est pas toujours au bon moment pour nous. En fait, il faudrait susciter la crise. C'est évident qu'un référendum sur un sujet défini peut créer une crise.» Un quatre des volets du «Plan pour un Québec souverain» dévoilé dimanche par la chef du PQ, Pauline Marois, porte sur le rapatriement au Québec de pouvoirs exercés par le gouvernement fédéral à l'heure actuelle, notamment en matière de culture et de communications. La récupération de certains pouvoirs pourrait faire l'objet d'un référendum sectoriel, a-t-on discuté au sein du comité responsable de la conception du plan, bien que Mme Marois ne se soit guère étendue sur le sujet lors de sa conférence de presse. Jacques Parizeau croit qu'on ne pourra pas multiplier les référendums sectoriels. «À 85 millions la shot les gens vont crier, a-t-il dit. Il faudrait regarder du côté de la Suisse pour savoir comment ils font. Parce qu'ils ont des référendums à tous les mois; ils adorent ça». Bien qu'utiles, ces référendums sont accessoires, estime Jacques Parizeau. «L'objectif reste le même: faire un référendum pour réaliser la souveraineté du Québec», a-t-il dit dans une entrevue accordée samedi à l'historien et journaliste Robin Philpot sur les ondes de CIBL. Jacques Parizeau a donné un appui non équivoque au plan Marois, dont il connaissait les détails avant qu'il ne soit rendu public; sa conjointe et députée de Crémazie, Lisette Lapointe, faisait partie du groupe des dix élus péquistes qui ont travaillé sur le document. «Ce que je trouve intéressant là-dedans, c'est qu'elle [Pauline Marois] propose de bouger.» Sa stratégie est «intéressante», juge l'ancien premier ministre. Le «plan Marois» propose de combattre les ingérences du gouvernement fédéral, d'exercer pleinement les pouvoirs que le Québec détient en propre, d'occuper le plus d'espace possible dans les compétences partagées, et enfin, d'obtenir de nouveaux pouvoirs. «Le train est reparti. C'est fondamental. Et avec un objectif clair qui est celui de réaliser la souveraineté, pas d'aller gagner, comme on a essayé de lui faire dire, des référendums sectoriels pour essayer de décrocher des affaires», a-t-il fait observer. Il n'y a que trois façons de réaliser l'indépendance: par la violence, par un vote au Parlement ou par un référendum. «Si on est contre la violence, contre un vote au Parlement, contre un référendum, ça veut dire qu'on est contre [le fait] que le Québec devienne indépendant», conclut Jacques Parizeau avec l'implacable logique qu'on lui connaît. «Il faut cesser de tataouiner. On ne doit pas avoir honte de dire qu'on s'en va vers un référendum.» Le débat sur la date du référendum, débat qui a longtemps occupé les péquistes, il n'en est pas revenu, a-t-il dit. «Quand est-ce qu'on fait un référendum? Quand on est prêt», après l'avoir préparé depuis longtemps. Un sondage accablant Dans son discours devant les IPSO, Jacques Parizeau a dévoilé les principales données d'un sondage interne réalisé entre le 11 et le 15 mars dernier pour le compte du Bloc québécois et du PQ auprès de 1003 personnes. La marge d'erreur était de 3 %, 19 fois sur 20, a précisé M. Parizeau, des données qu'au PQ, on a confirmées au Devoir. Après répartition des indécis, 49 % des répondants, soit 56 % des francophones, étaient favorables à ce que le Québec devienne un pays indépendant, et légèrement plus, soit 49,7 %, répondant par l'affirmative à la question de 1995, soit la souveraineté assortie d'une offre de partenariat avec le Canada. Un Québec qui fasse partie du Canada, mais avec un statut particulier est l'option qui rallie le plus grand nombre, soit 66 %. Le Québec comme État souverain associé économiquement fait recette: 61,4 %. Le statu quo est approuvé par 42 % des répondants et 39 % des francophones. Notons que 62 % des personnes interrogées croient qu'il sera possible un jour de réformer le fédéralisme canadien de façon à satisfaire à la fois le Québec et le reste du Canada. Une majorité de répondants estime que le Québec a le droit de se séparer (61 %), qu'il dispose des ressources humaines, naturelles et financières nécessaires pour devenir un pays souverain (60 %). De même, le projet d'un Québec souverain apparaît réalisable aux yeux de 56,6 % des répondants, dont 62 % des francophones. Or, 34 % seulement des gens pensent que la souveraineté se réalisera. «Vous comprenez comme ils sont sages, ces gens-là. Ils se protègent des deux bords. Ils voudraient avoir l'indépendance, mais puisqu'on n'est pas capables de l'avoir, au moins un statut particulier», interprète Jacques Parizeau. «Mais c'est un terrible jugement sur ceux qui se considèrent comme les leaders du mouvement souverainiste, a-t-il poursuivi. C'est vraiment grave comme jugement: les gens sont persuadés que c'est possible; ils aimeraient ça, mais ils pensent que ça ne se fera pas.» Davantage de gens âgés de 54 à 65 ans sont souverainistes, mais les jeunes le sont moins, particulièrement les 35 à 44 ans. «Ça, c'est des gens qui avaient 20 ans le jour du référendum et qui ont l'impression profonde de s'être fait avoir. Ils ont décroché», estime Jacques Parizeau. Ceux qui pensent appartenir à «l'élite souverainiste» doivent changer leurs façons de faire. «Le monde ordinaire n'est pas là où on veut. Pourquoi il ne croit pas en nous? Qu'est-ce qu'on fait tout croche?» doit-elle se demander, avance-t-il. «Il faut absolument qu'on retrouve le goût des objectifs clairs, des idées simples et généreuses, le goût d'écrire, de répondre aux gens quand ils demandent un peu comme Yvon Deschamps: "La souveraineté, qu'ossa donne?"» croit Jacques Parizeau. Il faut surtout «se sentir dans le peuple québécois comme des poissons dans l'eau».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire